Voici 3 textes courts à partager sans modération, pas pour en faire une religion, mais pour prendre conscience de la beauté de ce qu’ils expriment, ensemble et séparément. Ils sont issus du livre « pieds nus sur la terre sacrée »
Standing Bear, chef Sioux né en 1868 :
« L’homme qui s’est assis sur le sol de son tipi, pour méditer sur la vie et son sens, a su accepter une filiation commune à toutes les créatures et a reconnu l’unité de l’univers ; en cela, il infusait à son être l’essence même de l’humanité. Quand l’homme primitif abandonna cette forme de développement, il ralentit son perfectionnement. »
Tatanga Mani, indien Stoney, dans son autobiographie :
« Oh oui ! Je suis allé à l’école des hommes blancs, j’ai appris à lire leurs livres de classe, les journaux et la Bible. Mais j’ai découvert à temps que cela n’était pas suffisant. Les peuples civilisés dépendent beaucoup trop de la page imprimée. Je me tournai vers le livre de Wakan Tanka qui est l’ensemble de sa création. Vous pouvez lire une grande partie de ce livre en étudiant la nature. Vous savez, si vous prenez tous vos livres et les étendez sous le soleil, en laissant, pendant quelques temps, la pluie, la neige et les insectes accomplir leur œuvre, il n’en restera plus rien. Mais Wakan Tanka nous a fourni la possibilité, à vous et à moi, d’étudier à l’université de la nature les forêts, les rivières, les montagnes, et les animaux dont nous faisons partie ».
Chiyesa, écrivain indien :
« Enfant, je savais donner ; j’ai perdu cette grâce en devenant civilisé. Je menais une existence naturelle, alors qu’aujourd’hui je vis de l’artificiel. Le moindre joli caillou avait de la valeur à mes yeux ; chaque arbre était un objet de respect. J’admire aujourd’hui, avec l’homme blanc, un paysage peint dont la valeur est estimée en dollars ! c’est ainsi que l’Indien est reconstitué, comme des pierres naturelles qui, réduites en poudre, sont reformées en blocs artificiels pour aller construire les murs de la société moderne.
Les premiers américains tempéraient leur fierté d’une singulière humilité. L’arrogance spirituelle était étrangère à leur nature et à leur enseignement. Ils n’ont jamais prétendu que le pouvoir de la parole articulée était une preuve de supériorité sur la création muette ; la parole était pour eux un cadeau empoisonné. Ils croient profondément au silence – signe d’une harmonie parfaite. Le silence est l’équilibre absolu du corps, de l’esprit et de l’âme. L’homme qui préserve l’unité de son être reste calme et inébranlable devant les tourments de l’existence – pas une feuille ne bouge sur l’arbre ; aucune ride à la surface de l’étang qui brille – telle est, pour le sage illétré, l’attitude idéale pour la conduite de la vie.
Si vous lui demandez « Qu’est-ce que le silence ? », il répondra : « c’est le Grand Mystère (Wakan Tanka) Le silence sacré est sa voix ! » Si vous lui demandez « Quels sont les fruits du silence ? », il dira : « La maîtrise de soi, le vrai courage ou la persévérance, la patience, la dignité et le respect. Le silence est la pierre angulaire du caractère ».
La situation sanitaire impacte tout le monde, ne serait-ce que parce que nous sommes en train de nous « habituer » à vivre et faire des choses qui appartenaient au domaine de la science fiction il y a encore quelques mois seulement. Qu'est devenu la sidération que nous avons ressentie en mars 2020 lorsque, du jour au lendemain, on s'est retrouvé à vivre tous les jours comme un 1er janvier – l'air festif en moins ? Porter un masque pour sortir, sur autorisation, ne plus se rendre à son travail, fermer les écoles ! Qu'on l'aie pris au début avec du recul ou pas, huit mois plus tard, l'impact est là, chez tout le monde, parce que maintenant la plaisanterie a assez duré, ça serait bien que ça s'arrête ! Hé bien non, nous voilà en plein dedans. Si lutter contre la Covid appartient à tous, chacun a aussi à faire en sorte de continuer à vivre – et pas à survivre – dans des conditions qui ne sont pas les mêmes pour tous. Inutile d'énumérer ici les différents cas de figure, ce serait long et sans grand intérêt, parce que chacun, face à la difficulté qui est la sienne, est là encore unique et spécifique. Notre gouvernement fait ce qu'il peut pour « ne laisser personne sur le bord de la route », comme on nous dit – un peu à toutes les sauces, d'ailleurs - il n'en reste pas moins qu'il y en a parmi nous qui ne sont pas des plus visibles, et ils sont plus nombreux que ce qu'on croit. Du coup, beaucoup de personnes peuvent se sentir livrées à elles-mêmes, voire abandonnées, non seulement par l'Etat, mais « de tous » peut vite pointer le bout de son nez. Le problème est que tous les domaines sont touchés, de l'équilibre financier à l'équilibre psychologique, sachant que les deux font facilement la paire et que l'un comme l'autre, dès l'instant où ils s'installent dans la durée voire dans la profondeur, attentent à l'équilibre relationnel. Il s'agit de s'inscrire dans un cercle vertueux plutôt que de se laisser embarquer dans la dégringolade. D'autant que les conséquences du Covid et du confinement ont la fâcheuse tendance à enfoncer un clou déjà existant. Au cas où on ne l'aurait pas remarqué, elles aggravent précisément nos fragilités, y compris celles qu'on ne voulait pas voir... Du coup, on les voit bien. Et c'est ce qui rend les choses difficiles à gérer dans une dynamique de globalité. Alors puisqu'on les voit bien, c'est peut-être le moment de les prendre en considération. Cesser de faire l'autruche, c'est peut être dur au départ, mais c'est aussi ce qui permet de traiter vraiment ses douleurs chroniques. Cependant, attention à ne pas tomber dans le misérabilisme qui, pire que tout, fait zoomer de plus en plus sur ses échecs, failles, discordances, manques. On peut s'autoriser des pauses, des regards tournés vers l'horizon – regarder loin, c'est bon pour le moral. Combien d'entre nous souffrent de l'enfermement et de l'isolement liés au confinement et pour autant ne se sont pas appropriés l'autorisation de sortir une heure par jour, trois maintenant ? Sortir, bouger son corps, respirer l'air frais, à fortiori l'air froid de l'hiver, est une façon de s'évader un peu chaque jour de la lourdeur du contexte anxiogène. Cela n'est qu'un exemple. Il en existe beaucoup d'autres. Dessiner, bricoler, jouer d'un instrument, cuisiner, jardiner, autant d'activités qui n'ont pas vocation à régler les problèmes, plutôt à reprendre son souffle. La liste est longue, chacun selon ses goûts. Combien sont ceux aussi qui ne montrent rien et font croire à leur entourage que tout va bien ? Accepter de dire et accepter un peu d'aide permet de maintenir le lien, ce lien si malmené et qui fait tellement défaut pour beaucoup depuis le mois de mars. Parce qu'à force de simuler, on se coupe des autres et de leur apport, bienveillant et bénéfique. De là à s'apercevoir qu'on peut soi-même apporter une aide là où on ignorait l'existence de difficultés – puisque la chance est toujours chez les autres – il n'y a qu'un pas. À la condition de ne pas se laisser entraîner dans l'escalade de la plainte et de la critique, ce qui est un mal permanent, à la porté de tout le monde, plutôt facile mais qui ne porte rien de bon. Encore une chose, ça n'est pas parce qu'on n'a pas encore commencé quelque chose qu'il est trop tard pour s'y mettre.
Jeudi 5 mars 2020
"Ne parle pas de toi-même sans t'accorder la possibilité de changer"
Alejandro Jodorowsky
Vendredi 28 Février 2020
"Rien n'est plus sot que de traiter avec sérieux des choses frivoles. Mais rien n'est plus spirituel que de faire servir les frivolités à des choses sérieuses."
Erasme