Nous n'avons pas à être parfaits, ni en tant qu'individu, ni enfant, ni parent. Nous n'avons pas à être parfaits, ni dans la vie familiale, ni amoureuse, ni professionnelle. Nous n'avons pas à être parfaits, ni au quotidien, ni dans l'absolu. Nous avons à être, au plus près de ce que nous sommes. Il s'agit peut être là de la seule perfection possible, encore que celle ci ne se mesure pas en quantité de qualité, c'est à dire en une longue suite d'adjectifs qualificatifs considérés positifs, mais plutôt en distance qui nous sépare de notre moi profond, ou pour le dire en terme Jungien, de notre Soi. Plus la distance est grande, plus la perfection est éloignée. Mais attention, pas d'injonction ici, pas d'obligation, pas de chantage. Pas de verbe devoir. Si la notion de devoir y a pourtant toute sa place, elle s'inscrit dans une démarche pleinement personnelle et assumée. Car tout peut y avoir sa place, mais certainement pas de la même façon pour tout le monde. Et pas tout pour tout le monde. Notre potentiel personnel est suffisant, inutile de vouloir l'affubler de qualificatifs ou de capacités supplémentaires. Partons plutôt à sa rencontre, pour vivre ce que nous sommes, ou plus exactement ce que nous avons à être. Car si au moment de notre conception tout est déjà présent dans ce Soi, il est très vite galvaudé par l'héritage transgénérationnel. Pour autant, pas d'inquiétude, tel est peut être le sens de notre existence : nous défaire peu à peu pour nous trouver, et accepter l'intervalle qu'il y a entre ce que nous pouvons au fil du temps percevoir de notre être et ce que nous sommes bien forcés de constater que nous sommes encore. Et surtout n'ajoutons pas d'impératif aux impératifs : Si nous estimons le chemin encore long, ne cherchons pas à forcer le pas, autorisons nous un rythme propre parce que ce chemin là, si tout le monde peut l'emprunter, personne ne peut le faire pour personne parce qu'il y en a un différent pour chacun.
La souffrance psychique n'est pas une fatalité ; il est légitime de vouloir aller mieux. Mettre en place ce changement est toujours possible, quelles que soient les difficultés et les épreuves traversées. D'autant que nous possédons tous la capacité à mettre en mouvement ce processus, qui sommeille parfois intérieurement depuis très longtemps, parfois à notre insu.
La psychanalyse est une méthode qui permet le déblocage des verrous psychiques qui nous empêchent d'avancer dans un ou plusieurs domaines. Grâce à l'écoute de l'inconscient et à l'interprétation qui s’ensuit, L'inconscient libère progressivement ce qui le gêne, toujours à son rythme et de manière positive.
Quels que soient nos blocages, quand ça résiste et qu’on n’arrive pas à en sortir, il vient un moment où ça devient insupportable et où force est de constater qu’il ne suffit pas toujours de vouloir pour pouvoir. En clair, on a beau vouloir être indépendant, on se débrouille pour échouer encore une fois à son permis de conduire. Voilà pour l’exemple. Parce que notre inconscient ne poursuit pas toujours les mêmes desseins que nous, il peut nous jouer des tours extrêmement invalidants, nous faisant faire exactement le contraire de ce qu’il faudrait, nous remettant systématiquement dans la situation dont on vient de s’extirper péniblement, nous faisant parler quand il faudrait se taire ou inversement, etc. Ces résistances inconscientes, qui sont autant d’obstacles à surmonter, finissent par nous paraître infranchissables, et pourtant… Loin de devoir s’y résigner silencieusement, on peut dépasser nos schémas compulsifs, comportements incohérents, angoisses démesurées, et j’en passe. En agissant sur l’inconscient, la psychanalyse rend la parole à notre désir propre.
La psychanalyse change quelque chose. Bien sûr, au bout du bout, la vie est toujours la vie avec ses joies, ses peines, ses hauts, ses bas, ses tapis rouges et ses obstacles. Et pourtant ça change tout, parce qu'on souffre moins. On souffre moins des mêmes choses, et on attire moins de choses susceptibles de nous faire souffrir. Il n'y a pas de recette, de truc ou d'astuce pour cela. Simplement, peu à peu, le lieu d'où nous interrogeons notre existence et les événements auxquels il nous incombe de faire face, ce lieu se déplace, permettant que se dégage un nouveau point de vue.
Le point de vue, ça n'a l'air de rien, mais c'est à la base de toute relation humaine. C'est le rapport qu'on entretien avec quelque chose, quelqu'un. Or, c'est toujours de cela qu'il s'agit. Qu'y a-t-il de plus complexe, de plus subtil, de plus surprenant, voire de plus gênant quand ça fonctionne mal, que notre rapport à l'autre, aux autres, à la société des hommes, quel que soit le domaine dans lequel ce rapport se manifeste? Notre quotidien, aussi bien que le projet de notre vie toute entière, se construit sur le mode de la relation: à la société, à nos parents, à nos collègues et à nos pairs, à nos amis, à nos enfants, à nos amours et à nous-mêmes. C'est toujours là que ça achoppe parce que l'être humain ne peut pas être seul, pour autant qu'il l'est fondamentalement, en ce que "être" humain sous-tend l'appartenance à l'humanité, en tant qu'il s'agit avant tout d'être. L’ambivalence du mot être, qui peut être nom ou verbe, donne un certain sens à ce dont il s'agit.
Être, c'est être en relation avec. Le peintre enfermé durant des jours ou des semaines avec sa toile et ses pinceaux, le génie scientifique immergé dans sa recherche, l'homme d'affaires rivé sur les tableaux boursiers de ses écrans d'ordinateurs, l'écrivain avec sa page blanche à noircir se rejoignent en ceci qu'ils ont une façon très individuelle, très personnelle, d'être au monde. Cette relation au monde, à l'humanité, découle du rapport à soi-même que chacun entretien et qui est intimement lié à notre relation à l'autre. La vie humaine commence par un lien à l'autre, sans lequel elle n'a aucune chance de s'épanouir. C'est bien là que ça coince, toujours, et en prendre conscience, c'est déjà se positionner autrement.
Alors oui, la psychanalyse "ça marche!", pour autant qu'on n'en attende pas un miracle, dans tout ce que ce terme contient de radical et d'instantané. Au contraire, la psychanalyse comporte la notion de devenir – dans toutes ses acceptions, et de devenir dans le respect de cet être bien présent qui marche sur le chemin de son existence. Il ne s'agit pas de rejeter ce que l'on est pour espérer se transformer d'une manière ou d'une autre, comme une chose calculée à l'avance. La personnalité se fonde et s'appuie sur une histoire et un passé. Il y a un continuum dans notre vie, même si en apparence il n'est pas toujours aisé de le voir. N'est-ce pas là ce qui nous unit à notre devenir d'être, justement? Alors ne soyons pas trop prompts à vouloir faire table rase: il est plutôt question ici de prendre soin de qui nous sommes, même si nous ne le savons pas encore.